Flash actu sur la loi anti-squat avec Me Caroline RANIERI et Maître Emilie COSTA
Publié le :
02/11/2023
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Pour notre première chronique, nous avons décidé d’évoquer l’actualité récente législative relative à un des piliers de notre droit : le droit de propriété.
Ce droit de propriété absolu (article 544 du code civil) peut se confronter au droit au logement également reconnu, lorsque le bien est donné en location ou même occupé de manière illégale.
Les enjeux humains derrière la confrontation de ces deux droits peuvent être très importants puisqu’ils portent sur le domicile du locataire (qui s’il ne peut plus payer son loyer, aura du mal à trouver un autre logement, pour lui et parfois sa famille) et pour le propriétaire sur son bien (dégradations par exemple) et sur un moyen de subsistance qui est parfois indispensable.
Bien entendu, celui qui ne respecte pas ses obligations peut y être contraint par voie de justice ; et le locataire indélicat se voir expulser.
La confrontation entre ces deux droits a conduit le législateur, pour prendre en considération les enjeux humains, à encadrer la fin des relations entre le propriétaire et le locataire (que ce soit par une limitation des motifs de congés ou en cas de contentieux) et a instauré une procédure d’expulsion judiciaire à étapes, en interdisant toute expulsion en période hivernale.
Il n’en demeure pas moins que certains ont bien compris que les délais prescrits initialement pour protéger le plus faible, pouvaient également leur donner un certain « confort », notamment en demeurant dans les lieux pendant la trêve hivernale sans payer leur loyer et organisant un départ « à la cloche de bois ».
La philosophie qui sous-tend la loi 89-462 du 6 juillet 1989 et les textes postérieurs, plus que louable, aboutit malheureusement, à des solutions totalement absurdes pour certains propriétaires, face à des locataires de mauvaise foi, mais également face au squat.
Cet été, une loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les « logements contre l’occupation illicite » ou loi dite « anti-squat » a été adoptée et promulguée afin de mieux appréhender ces situations. Elle ne diminue en rien la protection du locataire de bonne foi mais sanctionne en revanche, l’occupant de mauvaise foi.
Pour ce faire, elle intervient sur trois volets :
- Un volet répressif touchant au squat, notion désormais élargie à celui qui se maintient dans les lieux après une décision d’expulsion , et ce dans certaines circonstances ;
- Un volet visant à sécuriser les relations entre le propriétaire et le locataire
- Un volet visant le renforcement de la protection du locataire en difficulté (qui ne sera pas abordé ici)
Le Conseil constitutionnel, saisi, a rendu une décision de conformité partielle le 26 juillet 2023 (censure de l’article 7 portant sur le régime de responsabilité pour défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine)
- Mieux réprimer le squat
Point de clémence pour celui qui viole le droit de propriété (par définition, en l’absence de tout accord du propriétaire)
Deux nouveaux délits sont créés, pour sanctionner l’introduction frauduleuse ET le maintien dans les lieux (cela concerne donc les anciens locataires qui restent dans les lieux après une décision de justice) :
- L’article 315-1 du code pénal prévoit une peine de prison de 2 ans et une amende de 30 000 euros pour celui ou celle qui s’introduit de manière frauduleuse et le maintien concomitant dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel ;
- L’article 315-2 du code pénal sanctionne, timidement, d’une amende de 7 500 €, l’occupant sans droit ni titre d’un local à usage d’habitation qui se maintient dans les lieux, en violation d’une décision de justice devenue définitive et exécutoire ayant donné lieu à in commandement d’avoir à quitter les lieux régulier depuis plus de deux mois.
- Il faut également noter que la publicité ou propagande afin de faciliter ou inciter le squat fait désormais l’objet d’un texte les sanctionnant (article 226-4-2-1).
De plus, un nouvel article 313-6-1 du code pénal sanctionne le fait « de mettre à disposition d'un tiers, en vue qu'il y établisse son habitation moyennant le versement d'une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l'autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d'usage de ce bien »,
A noter que les sanctions pénales sont, lorsque le délit était déjà prévu par la loi, alourdies.
- Sécuriser les rapports locatifs.
Une clause résolutoire doit dorénavant systématiquement être prévue dans les contrats de bail.
Les délais de « procédure » sont raccourcis de manière générale, (de 2 mois à 6 semaines dans certains cas) ; les délais pour quitter les lieux (sollicités par voie de justice) sont également réduits puisqu’ils ne peuvent plus être supérieurs à un an contre trois auparavant (article 412-4 cpce) et feront l’objet d’une appréciation en fonction de la situation du propriétaire et de l’ancien locataire et de la bonne ou mauvaise volonté de ce dernier.
A ce titre, lorsqu’une procédure de relogement n’a pas abouti suite à des manœuvres du locataire, les délais de grâce qui pouvaient également être mis en œuvre par le juge suite à la délivrance d’un commandement resté infructueux peuvent désormais être écartés.
Ces deux derniers délais sont supprimés lorsque l’entrée dans les lieux est illégale.
L’article L153-1 du code des procédures civiles d’exécution qui prévoyait que le refus de L’Etat de prêter son concours à l’exécution des jugements et titres exécutoires ouvre un droit à réparation au propriétaire vise désormais expressément le refus du concours de la force publique (même si les conditions restent à définir par décret)
Ces ajouts, modifications et précisions sont bien venus et devraient effectivement permettre de sécuriser même si cela reste trop timide (en ce qui concerne les délais notamment) les relations entre le propriétaire et le locataire.
Il nous apparaît ainsi que le législateur en conservant un système protecteur du droit au logement mais en sanctionnant l’occupant de mauvaise foi de manière plus sévère, et donc en protégeant mieux le droit de propriété, s’inscrit dans le cadre plus général de l’application d’un principe de proportionnalité que l’on ne peut que louer.
LOI n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
NOR : JUSX2234714L
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2023/7/27/JUSX2234714L/jo/texte
Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2023/7/27/2023-668/jo/texte
JORF n°0173 du 28 juillet 2023
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